Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/172

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du vouloir, une âme qui regarde la lutte des deux autres et en rédige l’iliade.

Il n’avait aucune naïveté, sauf peut-être en ses rares crises méchantes, car, à l’état normal, sa hautaine indifférence de principe le sauvait de la colère et de ses suites. Ainsi, son indignation contre Moscowitch s’était émoussée déjà rien qu’à la première passe du jeu de la vengeance, et il était homme, pour ce qui ne touchait pas à l’essentiel, à jeter le manche après la cognée. Il était homme aussi, à relever et à consolider l’instrument tombé. Il était homme à faire le contraire de ce qu’il prétendait faire, mais comme ses actes étaient pour lui un spectacle, et le plus amusant de tous, il ne s’en attristait pas outre mesure. Il se savait plein d’imprévu et en jouissait : ah ! sans cela, il se serait vraiment trop ennuyé, car le reste du monde ne déroulait à ses yeux fatigués qu’un jeu de cirque, en vérité trop monotone, par le vague et le lointain des fantômes jetés sur la piste piétinée éternellement.

Calixte était beaucoup plus simple : tout en rêve, tout en croyance, tout en spontanéité. On ne devinait pas le but de ses mouvements, et, en somme, il n’en avait d’autre que le mouvement lui-même. Plus âgé qu’Entragues de cinq ou six ans, ayant atteint un certain renom de styliste et de penseur délicat, il n’en avait souci, conservait toujours le ton et les manières d’un débutant, portait çà et là ses manuscrits, sans les surveiller, s’adressant de préférence aux petites revues nouvelles, non, ainsi que d’autres, pour y trôner facilement, plutôt par un besoin de silence