Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/188

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— Cela sera ainsi, dit Entragues.

La simplicité tragique de cette femme, qui daignait seulement se révéler, le remuait autant qu’un beau lever de soleil ou que de la belle prose, noblement imprimée. Il ne sentait plus, en ce moment, aucun amour pour elle ; l’impression était toute littéraire, et avec un reste de conscience, il se maudissait pour ce blasphème. Cependant, il remarqua ceci : les développements métaphoriques par lesquels Sixtine avait indiqué sa conception de l’avenir étaient tout à fait analogues aux images qui l’avaient hanté un jour dans un tel état d’esprit. État fugitif, sans doute, mais dont la naissance, même occasionnelle, révélait de secrètes concordances entre leurs âmes. Sinon les joies de l’union, les synalgies, du moins, étaient possibles, et c’est beaucoup que deux êtres soient aptes aux mêmes souffrances, et que si la vie frappe un des cœurs l’autre soit blessé. Cette pensée transitoire le ramena à l’amour : ses bras, par un ressort soudain détendu, s’ouvrirent et, si elle y était tombée, ils se fussent refermés sur l’infini. Mais il était trop tard de quelques minutes : il y a un tout petit espace entre la sensation perçue et la sensation analysée : c’est là que se loge l’ironique Trop tard.

Sixtine répondit :

— Qu’en savez-vous ? Vous-même, pourriez-vous m’en faire la promesse, sur votre vie, que vos lendemains ne m’apporteraient pas la désillusion de vos avant-veilles. En prenez-vous l’engagement ?

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Le soleil avait régné, et le ciel, par de lentes dégradations,