Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/203

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étant reine et moi j’ai un devoir, aimer, pâlir et mourir si tu l’ordonnes.

Je ne comprends pas, mais qu’importe ? Est-ce que je comprends le mystère de la Sainte-Trinité ?

Si tu as choisi, comme la charmante et bienheureuse fille, un ange pour amant, c’est que telle est la fonction des anges d’être les amants des vierges : ainsi fut-il ordonné par le Seigneur de toute éternité.

Et moi, je suis indigne ; j’ai un corps souillé et deux fois souillé : depuis le baptême de ton amour, madone, les séductions charnelles ont eu raison de la grâce que ton intercession m’avait départie.

À une femme, quelle femme ! à une infidèle, quelle infidèle ! à une esclave, j’ai livré mon corps régénéré par la condescendance de tes regards, lavé par tes larmes, purifié par ton sourire, comme un haillon scabieux par les ruissellements des sources et les rayonnements du soleil.

Tu m’as châtié, madone, mais dois-je me plaindre, puisque moi-même je t’avais supplié de lever la verge sur mes épaules ? Tu m’as bien châtié, merci… Non, ma Novella je vous aime trop pour être lâche, je vous hais maintenant, impure et parjure Vierge !

Songe que je t’aimais pour ton immaculée candeur, et que ta peau virginale s’est maculée d’ineffaçables taches…

— Il n’y paraît plus, dit la Vierge, j’ai une robe neuve.

— Monseigneur, dit Veltro, en saluant le prisonnier, la cérémonie s’achève, il faut rentrer. J’ai pris sur