Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/261

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la sottise galante de petits vers frissonnants d’indigence ou de la philosophâtrie à la Diderot ou d’indignes manuels d’une piété janséniste.

Il venait d’acheter pour quelques sous, un traité de la Simonie et marchandait à l’âpreté d’un vendeur assez rogue, quelques recueils néo-parnassiens, nouveaux venus et déjà dépréciés par l’indifference universelle, — une main familière se posa sur son épaule.

D’un mouvement de torsion, d’une insolence native, mais certaine, il se dégagea, puis tourna la tête.

C’était Marguerin, le théosophe, dont ses amis excusaient la folie licencieuse par une maladie du cervelet.

Il apparaissait morne et les yeux même dénués de leur coutumière flamme de luxure. Plus d’une fois, sa façon de considérer les jeunes garçons avait scandalisé, jusqu’au mot sale, la vertu d’un honnête passant : Marguerin, dans ce cas, haussait les épaules en fixant sur l’intrus un regard de pitié tout à fait déconcertant. Ses jeux de physionomie étrangement prometteurs séduisaient des femmes en quête de perversion : il était riche et subventionnait une revue angélique.

Ce jour, une idée fixe, qu’il confia à Entragues, imbécillisait son visage :

— Morte ! Tu te souviens peut-être de cette blonde en qui Maïa avait mis ses complaisances ?

Entragues souffrit le tutoiement sans se l’expliquer.

— Morte ! Obsession du creux de ses jarrets. La vois-tu, couchée à plat, ventre ? Ses jarrets sont là sous mes lèvres et je les oublie ! Tout, moins ça, tout. La surface de son corps a connu mes lèvres des pieds à la tête,