Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/294

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La sensualité est le ferment de la nature féminine : sans ce don décisif, il peut y avoir des anges, il n’y a pas de femmes. Mais il est bien vrai que je n’ai pas su en éveiller la puissance et mon magnétisme s’est heurté à de soudaines neutralités. Vous n’êtes pas une femme de bonne volonté : votre fierté même vous induit à d’inopportunes résistances dont la force seule aurait pu avoir raison. C’est là qu’on est dupe de son intelligence ! Il faut avoir celle de la rejeter, à de certaines heures, comme un manteau ou comme la chemise de la Romaine. Car, ce ne fut pas la pudeur qui n’affère qu’à l’extrême jeunesse ou à l’ignorance première : non, ce fut bien l’intelligence. Vous avez voulu comprendre et sentir en même temps, et pour cela, vous vous êtes appliquée à garder votre présence d’esprit. Voyez comme cela se rencontra : je fis, de mon côté, avec moins de peine peut-être, le même effort. Nous savions très bien tous les deux ce que nous voulions et nos volontés, faute d’un peu de salutaire inconscience, s’annihilèrent dans leur immobile virtualité.

Rien de plus. Voilà de suffisantes illuminations. »

(Ce fut une infraction à ses habitudes, — mais un besoin de personnelle sécurité lui imposait de jeter par la fenêtre une moitié de lui-même, pour sauver l’intégrité du reste : en quatre heures de nuit, il atteignit le point final de ce qu’il appelait maintenant « une folle anecdote » .)