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XI. — POUSSIÈRE DE DIAMANT


« Chino la fronte e con lo sguardo a terra

L’amoroso Pensier rode se stesso. »

Cav. MARINO, l’Adone, VIII, 12.


Plus de quinze jours avaient passé depuis la fiévreuse et douteuse soirée accordée par Sixtine au désir deviné d’Entragues. Trois tentatives, trois fois personne : irrité, exaspéré, attristé, tels furent ses trois états successifs.

Après la porte close sur l’adieu, à la lueur d’une instantanée clairvoyance posthume, il avait vu et déchiffré l’ironie finale de Sixtine : « Tu ne me prends pas ? je suis pourtant à ta merci. J’ai l’air de penser, d’écouter, de parler, mais je ne pense pas, je n’écoute pas je ne parle pas, je fais semblant et j’attends. Encore une demi-heure, encore dix minutes, cinq, une, la suprême, rien ! Va-t’en ! tu m’impatientes ! » Tiens, se dit Entragues, c’est assez bien reconstitué, il ne faut pas perdre ça, et vers son logis cheminant par le plus long chemin, méditatif, il refaisait la scène, intérieurement l’écrivait. Comment cela ferait-il au théâtre ? Il organisa le jeu. Pendant que l’amoureux partenaire explique la tendresse de ses sentiments, la femme dans cet a-parté se dévoile. Il haussa les épaules : cela ne serait pas compris, on croirait à de la grossièreté. Si Platon le comique l’avait fait déjà, puis, Andro-