Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/90

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délices. Je ne m’en lasserais jamais, Madame.

— « J’avais cru tout le contraire, reprit Sixtine, et qu’un secret ou très indiscret pressentiment vous renseignait sur mes absences. Comme on accuse ses amis ! Depuis trois semaines, je suis sortie trois fois, le soir, pour venir ici, trois fois et naturellement le mercredi de chaque semaine. Avouez qu’il est singulier que ces trois mercredis, en rentrant chez moi, j’aie trouvé votre carte.

— « Si vous croyez que je l’ai fait exprès, répondit Hubert, me voilà perdu, car toute explication est trop simple pour paraître vraisemblable. Je vais vous donner la meilleure, encore que ce ne soit peut-être pas la vraie : le premier soir où je passai quelques instants chez vous était un mercredi : une puissance latente m’aura conduit à votre porte les mercredis suivants, et cela, sans nulle participation de ma volonté. Ce périodique retour, pareil à la culminance régulière d’un état fiévreux, est en somme, très naturel…

— « Ce sont là, répliqua Sixtine, les raisonnements d’un automate, qui se mettrait en peine de faire comprendre pourquoi il joue le même air de flûte, tous les jours, à la même heure. Mais vous êtes venu, chez la comtesse, au lieu d’aller sonner à ma porte, on ne vous a donc pas remonté ce matin ? À quelles mains échoit cette besogne ?

— « Ce serait aux vôtres, madame, si vous y consentiez ? »

À tous les deux, mal à l’aise, la même pensée vint de se taire et de partir. Sixtine, d’une ancienne mau-