Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/94

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autre, plus désintéressé, trouverait en cette naissante aventure. Mais ce désintéressement nécessaire, il l’acquerrait peut-être un jour ! Cette idée lui fit horreur d’abord, puis il s’y habitua, et mentalement esquissa un premier chapitre, celui de la rencontre : il transportait la scène à Naples, vers la fin du quinzième siècle et les personnages devenaient de purs symboles. L’Homme, un prisonnier, concrétant en lui l’idée de l’âme confinée dans sa geôle de chair, presque ignorante du monde extérieur dont elle refaçonne à son gré la vision vague apportée par les sens ; la Femme, une madone, une statue que l’amour du prisonnier a douée de la vie, de la sensibilité et qui devient pour lui aussi réellement existante qu’une créature de Dieu. Et sur ce thème toutes les divagations de l’amour, du rêve et de la folie.

Il commença, dès le lendemain matin, cette histoire étroitement basée sur son actuel état d’esprit et dans laquelle il devait s’amuser à transposer, sur un mode d’extravagance logique, le drame qu’il jouait naïvement avec Sixtine.

C’était la femme nouvelle, cette madone, la Madonna Novella, et quel nom donner au prisonnier, proie de sa propre imagination (comme moi-même, songea Entragues), si ce n’est celui de Della Preda, puisque nous sommes en Italie ? Veltro convient pour l’indispensable porte-clefs, et, comme titre : l’Adorant.