Page:Gourmont - Une nuit au Luxembourg, 1906.djvu/116

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cienne devint ridicule ; la mode fut de souffrir : les couronnes de roses se changèrent en couronnes d’épines. Il y eut de longs siècles de stupeur et quand l’âme humaine se réveilla et voulut sourire, son sourire fut de la mélancolie. Peut-être que les hommes ne guériront jamais de la blessure que leur a faite le christianisme. Elle a semblé parfois se cicatriser : au moindre heurt, à la moindre fièvre, elle se rouvre et saigne. Heureux ceux qui souffrent ! Cette parole insensée hante toujours vos cœurs débiles et vous avez peur de la joie, par vanité. Vous avez accepté l’anathème au bonheur de vivre lancé jadis par quelques désespérés juifs et quand vous avez ri, vous demandez pardon à vos frères, car il est écrit : Heureux ceux qui souffrent. L’homme, qui fait toujours semblant de se révolter, est le plus obéissant des animaux