Page:Gourmont - Une nuit au Luxembourg, 1906.djvu/150

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Nous fîmes une longue promenade le long des fraîches allées fleuries. Il me sembla que ce jardin familier devenait une forêt immense et magique. Les perspectives s’allongeaient sous de hauts arbres vers le cours lent d’un fleuve bordé de peupliers. Puis le fleuve disparaissait ; c’était une clairière où des chevreuils paissaient par troupes. Nous allions et les aspects changeaient sans cesse. À de certains moments je retrouvais le jardin de mes matinées d’été, avec ses pelouses, ses corbeilles, ses arbres d’où tombaient des tourterelles, ses allées, ses bancs ; il me semblait entendre le rire des enfants, les disputes des joueurs, le murmure des couples. Tout cela passait dans ma tête, accompagné de la parole de mon ami, et j’étais ivre d’amour, d’idées et de beauté.