Page:Gourmont - Une nuit au Luxembourg, 1906.djvu/165

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s’habituer à regarder avec calme. Comparé à certains maux physiques, à certaines douleurs, à certaines déchéances, il apparaîtrait bientôt tel qu’un ami, très laid, mais cordial. Ne mérite-t-il pas les noms les plus doux ? N’est-il pas le consolateur ? N’est-il pas la délivrance ?

Mais il ne faut pas jouer avec le suicide. Les enfants amoureux en ont fait un geste puéril comme leur âme. Ce refuge suprême des grandes douleurs ne doit pas être le remède des petites déceptions. Si votre morale, au lieu du rôle taquin d’une vieille fille jalouse, avait choisi celui d’une amie aimable et prudente, elle vous aurait enseigné l’art de lutter avec le destin, et la feinte suprême, qui est de s’évanouir en fumée, quand ses étreintes sont cruelles et invincibles. C’est une idée singulière que d’avoir fait du suicide une lâcheté. Elle s’explique dans l’ordre des