Page:Gourmont - Une nuit au Luxembourg, 1906.djvu/189

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je ne perdis pas la raison, cependant, au point d’oublier que, seul parmi tous les hommes, sans doute, je tenais en mes bras une immortelle. Beaucoup d’orgueil se mêlait à mon amour et aussi beaucoup de curiosité.

Ma déesse ressemble beaucoup à la Vénus du Giorgione. Pendant que j’écris ceci, elle dort dans la même pose, son bras droit replié sous sa tête, la main gauche appuyée sur son secret. Le corps est fuselé, les seins sont deux coupes renversées ; la figure, d’un ovale pur, a un grand charme avec sa bouche très rouge et ses larges paupières baissées qui me cachent de beaux yeux d’un azur glauque et changeant. Elle a, de la tête aux pieds, le teint d’une blonde, mais cette blancheur est comme fondue dans le rose doré, parce qu’elle ne porte d’ordinaire que des voiles légers et