Page:Gournay - Les advis ou Les présens de la demoiselle de Gournay (1641).pdf/440

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peur que ceux qui furent inuenteurs de cette regle de ſi grand credit en la nouuelle Eſcolle, de ne rien dire que les Dames n’entendiſſent ; n’entendoient rien qui ne leur fuſt commun auec elles.

Ie ſuis donc ſi loin de me reduire pour ce regard, aux retranchements des iolis ou des iolies de la Cour, que s’il couroit trois fois autant de mots chez tous nos Poetes, ou par les rues de Paris ; ie n’en reietterois pas vn, reſerué demy douzaine que la ſeule lourde Populace employe. Ces autres Poetes & Docteurs du temps ont beau me remonſtrer, qu’ils me fourniront douze mots pour dire cecy ou cela ſans celuy qu’ils pretendent deſconfire pour me l’arracher : i’en veux quinze, & vingt s’ils y ſont, car ie ne veux rien perdre. Ie l’enuie ſur le traict d’vne petite garcette, qui ſe l’amentoit à hauts cris pour la perte de ſa poupée, & ſa mere eſtant accouruë en haſte au ſecours auec vne autre auſſi iouialle, elle la receut bien à deux mains : toutesfois elle recommença de plus belle à crier, alleguant ; que ſans la perte de la premiere elle en euſt eu deux alors. Penſeroit-on gouuerner la langue d’une cauſeuſe de femme par les exemples des Courtiſans, ſi ce n’eſt qu’ils adiouſtaſſent au babil au lieu de retrancher : quand on m’auroit peu perſuader que le corps entier, le vray corps de la Cour, euſt ou parlaſt vn langage à part ? Mais certes, il faudroit perſuader premierement au Conſeil, ou aux Conſeils du Roy, qui font la plus ſolide, prudente & mieux parlante partie de ce corps de la Cour, & dans leſquels la Maieſté meſme tient lieu comme Chef ; que la Langue qu’employe le Parlement fuſt differente de la leur ; & cõſequemment que celles de Paris & de la France en fuſſent differentes encores : leſquelles tombent routes deux en cadence auec luy, ie dy auec le Parlement, Paris preciſément & la France en gros : tout ainſi que ce meſme Parlement y tombe auec les Conſeils. Or qu’on liſe ce qu’à eſcript feu Monſieur du Vair depuis qu’il ſe fuſt rendu Courtiſan par ſa promotion aux Sceaux ; pour voir ſi ſon langage dement