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Page:Gournay - Les advis ou Les présens de la demoiselle de Gournay (1641).pdf/462

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LES ADVIS.

du Cours leur promenade ; ils ne craignent nullement de ſe vanter qu’ils ont vne Langue à part, que Paris ne congnoiſt ny ne parle point. Que dirons-nous apres de pluſieurs noms, mots ou verbes, qu’ils employent l’vn pour l’autre, proprieté pour propreté, recouuert pour recouuré, &c ? & de pluſieurs verbes encores auſquels ils tournent le nés de travers en cherchant le ply du meuf ? pource qu’ils n’ont pas la fuffiſance de concelloir ny de gouſter primement ce qu’ils diſent la moitié du temps, euxqui s’attribuent Chaiſe de regence pour nous autres petites gens de delà l’eau. En quelle inquietude &, quelle haſte vis-ie yn iour enuoyer apres vne feuille d’Imprimerie, affin de changer le verbe mignarder, pour inuſité parmy les mignardes de la Cour ? Toutesfois cette corre&tion vint aſſez à temps chez l’Imprimeur pour ne rien couſter à ſon Autheur, pendant que cét autre cy fut moins heureux, & ſes amis encores auec luy. Car comme il euſt couché le mot, ſimpleſſe, en ſon iuſte lieu, dans quelques Vers, & qu’il ſe trouuaſt le lendemain aupres d’vn Grand qui ne le peuſt ſouffrir, pource, alleguoit-il, que cela eſtoic bon à Paris, non pas à la Cour, laquelle de ſa grace diſoit, ſimplicité : ce fut alors qu’il falat voler à l’Imprimerie pour refformer ſur la preſle l’erreur de haute importance : où le Maiſtre aſſeura, faux ou vray, que la feuille eſtoit tirée, & ſe fit payer par ces meſſieurs, autant ſubtils en l’Art d’imprimer qu’en celuy d’eſcrire, quatre piſtoles pour la reffaire. Hiſtoire veritable : & la bourſe du Grand aucunement intereffé dans l’Œuure dont il eſtoit queſtion, accoucha de ces 4. enfans. Le bon compagnon d’Imprimeur qui ſe fit payer à ſi large meſure, n’auoit ny ſimpleſſe ny ſimplicité, leſquelles ſont pourtant deux choſes auſſi différentes que peuuent estre vn vice & yne vertu, qui fe confondent, quoy qu’il en foit, dans la bouche & dans l’oreille des Courrifans & de leurs nouueaux Eſcriuains. Mais à propos, qui a dit ie vous prie à cette tendre eſpece de Seigneurs & de Dames, que Paris & la France ſe doiuent reigler à leur langage, pour en deſpen-