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LES ADVIS.

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LES
ADVIS.
Du fang d’Hector vaincu gorgea fa foit auide ;
Lors par vn nouueau choix non moins hault & pompeux
Al’amitié d’Anée il tourna tous fes vœux.
Comme du ventre creux d’vne coquille ronde,
L’imprudent fait fonner le large fein de l’Onde,
Et qu’animant les tons vainement il s’esbat,
A prouoquer les Dieux de venir au combat ;
Triton [s’il eft croyable] enuenimé d’enuie,
Pour efteindre fon art confpirant fur fa vie ;
Le renuerfe engloutty fur le flanc des rochers,
Parmy l’Onde efcumeufe & l’effroy des Nauchers.
La Troupe efleue adonc vne clameur dolente,
Mais le Prince pieux furtout autre lamente.
Chaqu’vn baigné de pleurs embraffe le confeil
De la Vierge Sibylle & dreffe l’appareil :
Dont la pile du Mort d’arbres entrelaffée,
Puiffe eftre promptement vers les Aftres hauffée.
Les antiques forefts ce peuple perceà iour,
Des Feres cuentant le plus fecret feiour :
Les pins & les fapins largement on terrace,
Le chefne geind aux coups & bronche fur la place.
Maint hault frefne fappé git par terre eſtendu,.
Et le bois plus leger par les coins eft fendu.
Ces grands arbres apres pouffez à toute peine
Sont roullez par les monts vers la funefte äreine.
Or parmy ces trauaux le Prince des premiers,
Agite la coignée & hafte les ouuriers.
Son trifte cœur difcourt & prie en cette forte
Contemplant la foreft qui le bel arbre porte.
Dieux ! fi dans ces forefts i’aduifois quelque-part,
Ce fatal rameau d’or par vn heureux hafard,
Suiuant le faint aduis de la fage Prophete
Pour Mifene, ô douleur ! trop certaine interprete !
Le Demi-dieu Troyen acheuoit de parler
Quand il void deux pigeons par les airs deualer :
Ils vollettent flatteurs autour de fon vilage,