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LES ADVIS.

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LES
ADVIS.
Quel quartier, ce dir-elle, Anchife a pour retraite ::
Les Enfers pour le voir nous perçons autourd’huy,
Et l’Erebe profond nous penetrons pour luy.
Cétinfigne Poëte en peu de mots replique :
Toute demeure, ô Vierge, en ces lieux eft publique :
Nous habitons fans choix les faints boccages verts,
D’vne ombre delectable efpaiffement couuerts :
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Repofans au giron des riues & des prées,
D’eaux viues & de fleurs en tout temps diaprées.
Side le voir pourtant vous eftes en efmoy,
Sur ce tertre prochain montez auecques moy :
Je vous y conduiray par vne fente ayfée.
Il dit & fur le tertre il dreffe leur brifée :
Puis ayans veu d’enhaut le cœur de ces beaux champs,
Ils les fuiuent à val furfes traces marchans.
Mais au fond du valon efinaillé de verdure
Le bon Anchife alors obferuoit d’auenture,
Des Efprits efcartez qui deuoient à leur tour
Voir aux Siecles futurs l’efclat de noftreiour.
Contemplant l’eftendue & le fil de fa race,
Il nombroit fes Neueux & remarquoit leur face,
Le Deftin, la Fortune, & les Moceurs des Romains,
Et les faits immortels de leurs guerrieres mains.
Ørfi toft qu’il eut venle Demy-dieu defcendre,
Pour arriuer à luy par l’herbe fraiſche & tendre ;
Les deux mains d’allaigreffe il hauffe vers les Cieux,
Ilarroufe de pleurs fon vifage & fes yeux :
Et pouffant à l’abbord quelques voix eftonnées,
Ces parolles apres de fa bouche font nées.
Te voicy donc, mon fils, mon fils, ta pieté
Vn fi rude voyage en fin a furmonté !
Il m’eft permis de voir ta perfonne fichere !
Iepuis ouyr ta voix, tu peux ouyr ton pere !
Certes l’auois toufiours ce doux efpoir conceu,
Et creu que mon penfer ne feroit point deceu :
Comtant & mois &iours aux delais de l’attente