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BALZAC CHEZ LUI.

pour eux. Ils tordirent des cous, cassèrent des reins, broyèrent des têtes par centaines. C’était du délire. Ils tuaient, ils aboyaient ; ils aboyaient, ils tuaient : ils faisaient des coups doubles, à l’instar des bons chasseurs. Le mâle et la femelle tombaient souvent sous la même morsure. Et quand ils les croyaient morts, nos braves molosses les secouaient de ci, de là, comme une paire de gants vides, ainsi qu’ils font souvent, en effet, pour s’amuser quand ils sont tout petits et qu’on leur livre un gant à mordiller ; puis ils les rejetaient, et recommençaient le massacre. Ils nagèrent en plein meurtre tant qu’ils voulurent, — non, tant qu’ils purent. Il n’y a pas de volupté qui ne s’épuise. Nous vîmes diminuer peu à peu l’exaltation, et la cruauté faire place à la clémence, à une clémence qui n’était, il va sans dire, que de la fatigue déguisée. Et pourtant, s’ils avaient beaucoup tué, ils n’avaient rien détruit, nos féroces jaguars de Montfaucon. Le premier quart d’heure avait été pour eux, le second ne le fut pas autant. Nous entendîmes des aboiements qui ressemblaient moins à des cris de victoire qu’à des accents de douleur. La réaction commençait. Nous vîmes saigner bien des oreilles, nous vîmes bien des naseaux de dogues, naseaux jusqu’alors respectés, auxquels se suspendaient des grappes de rats qui man-