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BALZAC CHEZ LUI.

terrains désordonnés qui se précipitaient jadis vers la route de Sèvres, et les a presque mis de niveau : ce n’est pas que la pente ait tout à fait disparu. Un tel miracle était impossible. Mais, coupé en ceinture par le milieu, le terrain des Jardies semble incliner beaucoup moins. C’est mieux sans doute. Je ne me consolerai pas cependant de la perte de ces arbres, dont le plus haut ne parvenait jamais, du temps de Balzac, à cacher le dos tacheté de Turc poursuivant à cœur joie une poule. « Que mes arbres sont déjà beaux ! disait Balzac : ils m’empêchent de voir Turc. » Illusion de propriétaire ! Enfin, où j’avais laissé un champ d’asperges, je retrouvais un parc.

Décidément les Jardies n’existent plus que dans le mirage rose du passé.

Même les arbres qui vous laissent en arrière ! Je n’ai pas voulu me reposer un seul instant dans ce parc, m’arrêter sous leur ombrage insultant de beauté. Ce mot ombrage me rappelle ce que dit à Jules Janin le jardinier des Jardies le jour où notre célèbre critique alla incognito les visiter : « Mais oui, mais oui, monsieur, M. de Balzac a du bien au soleil. »

Il ne disait que trop vrai, le malheureux ! tout était au soleil aux Jardies.

Une espèce de brume mélancolique commençait à