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BALZAC CHEZ LUI.

autour d’un poêle en fonte, chauffé à blanc, qui criait comme un damné, tant nous lui fourrions, sans pitié pour le budget, du charbon dans le ventre. Nous faisions griller des marrons, et nous les arrosions de temps en temps d’un verre de vin blanc coupé par de l’eau bénite de cave, c’est-à-dire par du rhum. C’est souverain contre la goutte et ordonné par la faculté de Bercy. Mais c’est incroyable, ma parole d’honneur, monsieur de Balzac, ce qu’on mange de marrons à la préfecture de police l’hiver pour se désennuyer. On y fume beaucoup aussi. Sans cela, que deviendrait-on, de huit heures du soir au matin, dans les pièces d’attente, où M. le préfet veut qu’on soit toujours sous sa main ? Il ne s’agit pas de dormir ! Lui-même ne sommeille jamais que d’un œil. Songez donc ! il lui arrive vingt rapports par minute : rapport sur un incendie, rapport sur un vol, sur un suicide, sur un assassinat, sur une conspiration. Il saute à bas du lit, il sonne. Aussitôt il faut être devant lui pour recevoir ses ordres. « Vous, allez là ; vous, allez là ; vous, allez là. » Et vite on passe une blouse ou une redingote à la propriétaire ; vite on se met une perruque, vite on se colle au menton une barbe blonde ou noire, blanche ou grise, et l’on va travailler où l’on vous a dit. Comme je vous le disais donc, nous