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BALZAC CHEZ LUI.

voilà beaucoup trop ! Je veux dormir. S’il vous arrive jamais d’oublier mes ordres quand ils sont aussi précis que je les donne, je vous casserai immédiatement de votre emploi, entendez-vous ? je vous destituerai, je vous chasserai. Vous voilà prévenu, sortez ! »

« Ceci dit, le préfet se coula sous la couverture, tâchant de renouer son sommeil brisé et de rappeler la chaleur à ses épaules refroidies. Quant à l’huissier, il alla, la tête baissée, l’âme meurtrie, faire part à la mystérieuse solliciteuse de nuit de l’accueil qu’il avait essuyé à cause d’elle. Mais elle, loin d’être découragée de cet échec après lequel il semblait qu’elle n’eût plus qu’à s’envelopper de sa sortie de bal, monter dans sa voiture et regagner son faubourg Saint-Germain ou Saint-Honoré, elle dit à l’huissier : « Il ne faut pas le laisser se rendormir. Retournez vite près de lui et dites-lui… — Non, madame, non, je ne retournerai pas près de lui, se hâta de dire Caron, qui ajouta, ne voulant pas laisser une miette d’espoir à cette femme invincible dans sa résolution : Savez-vous bien qu’il m’a menacé de destitution immédiate si je me présentais encore devant lui ? — Si ce n’est que cela ! — Comment, si ce n’est que cela ! Mais ma place c’est ma vie, c’est celle de ma femme et de mes enfants. — Ne perdons pas de temps, continua la dame en prenant