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BALZAC CHEZ LUI.

plus tyrolien de son gosier un refrain de l’Alsace, soutenu bravement par moi, qui ai l’avantage, je dois le dire, de posséder les plus belles romances de la Meuse et du Rhin, de Sarrebruck, de Sarrelouis, de Sarreguemines et de tous les Sarre connus. À trente pas de nous, le cocher de fiacre que nous guettions dut déjà se dire : « — Voilà, ma foi ! trois ivrognes qui sortent de quelque fameuse orgie. » Et nous nous balancions de droite et de gauche avec notre mort, et nous faisions des révérences devant et derrière ; nous étions superbes. Quand nous ne fûmes plus qu’à quelques pas du fiacre : — « Cocher, m’écriai-je, vous serait-il agréable de conduire monsieur ? Nous n’avons ni assez de temps ni assez d’équilibre, mon camarade et moi, pour le ramener chez lui. » Sans attendre la réponse du cocher, j’avais ouvert la portière et déposé notre fardeau dans l’intérieur de la voiture, me souciant fort peu en ce moment de savoir, vous le supposez sans peine, comment je l’avais fourré sur la banquette. Je refermai bien vite la portière en criant au cocher, après lui avoir mis cinq francs dans la main, pour sa course : « — Rue Saint-Florentin, le premier grand hôtel à droite. Roulez ! »

« Et il roula. Nous fîmes encore entendre derrière lui la reprise de l’air allemand comme un adieu adressé