Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/126

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Jamais, se répondit-il. Il sortit ; la nuit était belle : une nuit de mai. Tout en répétant : Jamais ! Engelbert allait vers Saint-Faréol-dans-les-Bois… Tantôt il suivait une allée, tantôt une autre, tantôt il côtoyait la berge et foulait le gazon encore fin, mais odorant. Il n’avait pas eu l’intention de s’éloigner de la fabrique : comment ne s’arrêta-t-il que lorsqu’il fut à Saint-Faréol ?

Il était tard lorsqu’il se trouva sur la grande place ; les boutiques étaient fermées. En passant devant celle de M. Leveneur, il remarqua sur l’un des côtés une petite porte restée entr’ouverte. Une lumière brillait au fond d’une pièce divisée par une barrière de bois. Il s’approcha, et il vit alors que c’était le bureau de poste. Quelle ne fut pas sa surprise quand il reconnut dans la personne placée derrière cette barrière, et assise près d’une table sur laquelle elle faisait le triage des lettres, mademoiselle Leveneur ! Entrer, s’approcher de la barrière et s’informer s’il n’y aurait point pour lui une lettre de sa mère, fut moins l’acte de la volonté d’Engelbert que l’impulsion machinale de son être. Manette, retint un cri d’étonnement en le voyant. Mouvement étrange et dont elle non plus n’aurait pu se rendre compte, Manette, au lieu d’élever la mèche de la lampe, ainsi qu’elle avait l’habitude de le faire toutes les fois qu’on venait la nuit, réclamer quelque lettre auprès d’elle, la baissa, et Engelbert et elle demeurèrent dans une demi-obscurité.

— Monsieur demandait ?…

— S’il était arrivé une lettre à mon adresse.

Et. aussitôt, étalant devant elle deux ou trois cents lettres, Manette eut l’air, pour cacher son trouble, de chercher activement.

— Mais, dit-elle en relevant ensuite la tête, je ne connais pas le nom de monsieur…