Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/207

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— Tu prévoyais donc ce qui est arrivé, lui dit-il, que tu me criais sans cesse ce matin : Vos favoris !… vos moustaches !…

— Est-ce qu’il vous serait arrivé quelque chose ? demanda effrontément ce serpent de Poliveau.

— Non pas précisément, mais…

— Ce serait, en effet, bien extraordinaire… on ne s’aperçoit presque pas du léger contraste des couleurs, mon colonel…

— Crois-tu, Poliveau ?

— Ma foi ! colonel… il faudrait y mettre une singulière bonne volonté pour distinguer… Voulez-vous maintenant que je donne les dernières couches du cosmétique, celles sans lesquelles vous avez voulu partir ce matin ?

— Oh ! non… garde-t’en bien ! Nous allons, au contraire, laver tout cela à grandes eaux.

— Mais, mon colonel, vous redeviendrez tout blanc.

— À dater d’aujourd’hui, Poliveau, je porterai mes cheveux comme ils poussent, j’aurai les cheveux, la moustache et les favoris blancs.

M. de Lostains ne put retenir un soupir gros de résignation.

— C’est différent, mon colonel, puisque c’est là votre intention… À tout prendre, vous serez beaucoup mieux… D’abord, vous paraîtrez infiniment plus jeune…

Le colonel interrompit soudainement Poliveau.

— Quel est ce bruit de chevaux à cette heure dans la cour ? on dirait une chaise de poste qui part…

— Ah ! j’avais oublié de vous le dire, mon colonel, c’est madame votre tante qui s’en va…

— Ma tante s’en va en chaise de poste ? Et où va-t-elle ?

— Elle retourne à Poitiers, mon colonel.