la Grenouille. C’est un peu engageant ce que je vous dis là !
— Qu’es-tu, toi ? disait-il tour à tour à ceux que le bruit des écus alléchait.
— Un père de famille qui cherche du travail.
— Pas de père de famille ! je n’en veux pas. Ils ont toujours peur de laisser des veuves, des orphelins. Reste au logis. Et toi, l’autre ?
— Les Anglais ont tué mon frère…
— Bien ! bien ! assez ! passe à l’arrière, tu es reçu matelot de la Grenouille. Et toi, le pas manchot ?
— Je suis en froid avec le gouvernement.
— Tu es un déserteur ?
— Oui, capitaine Grenouille.
— Voilà quarante francs, file à bord. Et toi qui as un emplâtre sur l’œil ?
— Capitaine, je. crains un coup de serein de la police.
— Tu es un réfractaire ?
— Oui, capitaine.
— Allons ! mon agneau, passe à tribord et à bâbord de mes joues ; et reçois l’accolade. Tu as l’honneur de faire partie de l’équipage de la Grenouille. Et toi, que sais-tu faire, là-bas, le sérieux ?
— J’étais comptable à bord d’un navire de l’État, lorsque les brigands m’ont accusé…
— Tu nous raconteras cela plus tard. Je te réintègre dans tes fonctions à bord de la Grenouille ; mais, au premier zéro auquel tu ajouteras une queue pour faire un neuf, moi je te couperai la tête pour faire de toi un zéro. Ah ! ceci n’est pas trop mal, j’espère.
Quand tous ces matelots, dont le plus doux n’eût pas rassuré un ours, furent à bord, il les fit ranger autour de lui, et il leur parla ainsi :
— Je vous ai donné de l’argent, mais en bonne règle je