Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouvoir trouver un château où passer la nuit, et pour cela…

— Que faut-il faire pour cela ? demandèrent à la fois Paillette et Tabellion.

— Il faut aimer des gens qui ont des châteaux, interrompit Prosper.

— Ce n’est pas là précisément, réclama Sara, ce que j’ai voulu dire.

— Qu’as-tu donc voulu dire ?

Le commandant ne tarda pas à reparaître au salon ; mais, trompant l’espoir de Sara et des autres convives, il n’avait pas endossé son ancien uniforme de garde du corps.

— Commandant ! cria Sara d’un ton sévère, qu’est-ce que cela signifie ?

— Ma foi, je ne vous le cacherai pas, j’ai tant grossi, dit le commandant, que l’uniforme me va maintenant au milieu du dos, ce qui me donne tout à fait l’air d’un garde national de la banlieue.

Prenant le commandant sous le bras ; Sara lui dit :

— Je le savais, et mon caprice cachait un symbole, une leçon, une haute moralité.

— Comment ! et que signifie ?…

— Cela signifie, répliqua Sara à haute voix, que, lorsqu’on a quarante ans, on ne doit pas plus essayer de mettre les habits qu’on portait à vingt-cinq qu’on ne doit aimer des jeunes filles de dix-huit ans.

— Des filles de dix-huit ans !

— Oui, je vous apprends à tous qu’il y a ici une jeune fille de cet âge ou à peu près avec laquelle le commandant vit retiré.

— Moi ?

— Toi ! Je me suis dit en rentrant : ça sent la chair fraî-