Page:Gozlan - La Dame verte, 1872.djvu/13

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en vous l’image sincère de la physionomie de l’endroit.

— Vous avez donc à me raconter quelque événement qui se serait passé ici ?

— Oui, mais le vent, mais cette pluie, mais ce froid…

— Votre histoire, je le suppose, n’est pas en trois volumes ?

— Grâce au ciel, non !

— Eh bien, abritons-nous sous cette marquise, et racontez.

— C’était en 1848, date mémorable pour tout le monde ; quelques jours seulement après la révolution ; et je revenais, comme aujourd’hui, de dîner chez le bon docteur Michelin à Montmartre. Et c’était aussi le même temps que ce soir, moins froid, je m’en souviens, mais tout aussi maussade. Ajoutez à cette maussaderie quelques enjolivements, absents aujourd’hui de notre itinéraire : les émeutiers, pardon ! les révolutionnaires avaient dépavé les rues pour construire des barricades, produit l’obscurité la plus profonde dans tout Paris en arrachant les tuyaux de gaz, provoqué des inondations dans une foule de quartiers, et celui-ci n’était pas excepté, en crevant les conduites d’eau.

Je ne vous parle pas du silence noir, de l’effroi silencieux, de la terreur qui planaient, dès la nuit venue, sur la ville entière livrée à des gens sortis des flancs d’une guerre civile.