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Page:Gozlan - Le Dragon rouge, 1859.djvu/156

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le dragon rouge.

malgré ses étouffements et ses larmes, qu’elle lisait l’histoire de son père, et non celle de Caton ou de Socrate. C’était bien là, en effet, le Caton de l’intrigue et le Socrate de la politique ténébreuse créée par Machiavel et Richelieu.

« Je suis quitte de la seconde épreuve ; elle a été laborieuse. Ces gens-là possèdent l’art d’appliquer la souffrance à un degré supérieur. Je m’en étonne. La moitié de mon corps n’est plus rien. Heureusement c’est la moitié qui ne pense pas. Ils m’ont enfermé les jambes entre trois planches de fer : une sous les pieds, une de chaque côté des jambes, et, à l’aide de deux vis agissant sous une clef, ils me les ont peu à peu lentement serrées, et avec une telle habileté que les juges pouvaient me demander, sans crainte de me voir évanouir ou passer tout à fait, si je refusais toujours de nommer mes complices. Les grincements de mes os brisés leur ont répondu. »

Casimire tomba sur ses genoux comme si les bourreaux de son père l’eussent frappée aussi.

« Le médecin, ils appellent cela un médecin ! leur assurait silencieusement du regard qu’on pouvait toujours approcher les planches de fer.

« Bientôt je n’ai plus eu le sentiment de mes jambes que par une douleur horrible et confuse et par le clapotement de mon sang répandu dans la boîte de fer. Enfin ils ont meurtri mes chairs, froissé mes nerfs, cassé mes os, cela sans m’arracher un cri. Je suis tombé en faiblesse, mais je n’ai pas crié, non ! je n’ai pas crié !

« Votre père, mademoiselle de Canilly, revient de son évanouissement pour vous dire encore avant d’expirer, si la mort doit être plus forte que lui à la troisième épreuve :

« De voiler d’un crêpe noir les armes de notre maison de Canilly jusqu’à ce que vos fils m’aient vengé ;

« De mettre le plus d’adresse et de patience possible pour satisfaire à la nécessité de cette vengeance. Et pour cela :