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le dragon rouge.

« Cette sentence n’a pas abattu le courage déjà si éprouvé de M. de Canilly ; il a laissé voir sur son visage, seule partie de son corps qu’on n’eût pas mutilée, l’expression de la plus profonde indifférence. Aucun article de cette affreuse sentence n’a pu altérer la majesté de ce criminel héroïque. La voici telle qu’elle a été prononcée à la lueur des flambeaux, dont la clarté rougeâtre faiblissait devant le jour qui commençait à paraître :

« Condamne, pour crime de haute trahison, Maximilien, comte de Canilly, âgé de cinquante-quatre ans, à avoir la tête tranchée par la main du bourreau sur la place du marché.

« Le condamné sera conduit dans une heure au lieu du supplice, un voile noir sur la tête.

— Casimire ! Casimire ! mais ouvre-moi donc, mon enfant ! criait Marine ; j’ai une bonne nouvelle à t’apprendre. Ouvre-moi donc ! Pourquoi me laisser ainsi à la porte ?

Casimire ne répondait pas, elle lisait toujours.

« Du haut de l’échafaud, le bourreau proclamera à haute voix que la famille Canilly est déchue de tous droits, honneurs et privilèges, et rayée du livre de la noblesse du royaume.

« Le bourreau donnera un soufflet au comte de Canilly, en signe de dégradation.

« Tous les biens dudit comte sont confisqués au profit de l’État.

« Il plaira au régent de France de prononcer l’exil contre les membres de la famille de Canilly. »

— Ma fille, criait de plus fort en plus fort Marine, en secouant la porte, mais pourquoi ne m’ouvres-tu pas ! Es-tu morte ? Je t’ai dit que j’avais à t’apprendre des choses qui te feront bien contente. Au nom du Ciel, réponds-moi, ouvre-moi ! Mais ouvre-moi ! je ne suis pas seule.

Casimire lisait toujours ; elle lisait ceci :

« Une heure après la sentence que vous venez de lire, le comte de Canilly, votre père, a été porté par quatre hommes