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le dragon rouge.

est un malheur ; mais les perdre toutes, quand on a de la bravoure, de l’intelligence et du métier comme vous en avez, c’est du génie.

— Vous savez, monsieur le marquis, que j’ai renoncé à en perdre davantage ?

— Je le sais, et, pour cela, j’ai pris une première liberté, celle de vous inviter à passer chez moi, et j’en prends à l’instant même une seconde, celle de vous supplier de vous joindre aux personnes qui attendent à côté.

Ce fut le tour de M. de Courville.

— Que fais-tu maintenant pour vivre ? lui demanda le marquis.

— Je tâche de ne pas mourir. Cela me réussit quelquefois.

— Et que sont devenus, dis-moi, ces grands airs, ces fins soupers, ces dames si épicées que tu menais en Espagne rien que pour qu’elles goûtassent au chocolat de Madrid, et en Italie dans l’unique but de les régaler de glaces et de liqueurs froides ?

— J’ai remplacé les glaces par le vin et rapproché l’Italie jusqu’aux barrières ! répondit de Courville. Je voudrais être aimé pour moi-même maintenant.

— C’est le travers ordinaire de tous les hommes en devenant laids et vieux.

— Voudrais-tu me blesser ?

— Si peu, mon cher de Courville, que par moi tu vas ressaisir une partie de ton bonheur perdu.

— Que faut-il faire ? grand Dieu !

— Je vais te le dire. Vas m’attendre dans ce salon.

— Introduisez quatre de ces dames ! dit ensuite le marquis à son valet.

Elles se présentèrent. C’étaient madame de Lamberce, madame de Fondrecourt, madame d’Ormes et madame de Vieux-Bourg.

— Ah ! monsieur le marquis, s’écrièrent-elles toutes quatre