livrant à Casimire, cette lettre qui m’a été remise pendant que j’étais en route, pendant que j’accourais vers vous heureux à la pensée de vous crier de loin, dès que je vous apercevrais : Vous m’avez dit, revenez ! me voilà. — Cette lettre, lisez-la.
Casimire tenait dans ses mains étonnées la lettre écrite au commandeur par le marquis de Courtenay, lorsque celui-ci croyait être sur le point de voir se conclure son mariage avec mademoiselle de Canilly.
Un sourire de tristesse erra sur les lèvres de Casimire tout le temps qu’elle lut la lettre du marquis. Quand elle eut achevé de la lire, elle la rendit au commandeur en lui disant :
— Écoutez-moi.
Autant il s’était amoncelé de nuages plombés sur le front du commandeur, autant il s’était amassé d’amertume sur ses lèvres avant que le hasard eût enfin apporté sa lumière dans les ténèbres étouffantes de cette explication, autant il s’éleva graduellement du calme, de la sérénité, de la joie sur le visage du commandeur, à mesure que Casimire lui confia, avec cette éloquence de la femme écoutée, par quelles bizarres espérances son frère le marquis, était parvenu à s’imaginer qu’il serait prochainement uni à elle par le mariage. Heureuse de se justifier, elle poussa ce bonheur jusqu’à la plus complète franchise, avouant sans réticence les fautes de légèreté où elle était tombée elle-même, afin de ne pas laisser voir qu’elle aimait un autre homme que le marquis.
L’indulgence coulait du cœur et des lèvres du commandeur ; il était aimé de Casimire ; tout ce qu’elle avait fait de faux et de blâmable se colorait à ses yeux des teintes radieuses de l’amour. Et quand, pour mériter cet amour, lui, homme exact dans ses actions, avait déserté son poste, méconnu ses devoirs de soldat, pouvait-il, armé d’une morale à deux tranchants, frapper la conduite d’une femme, d’une jeune fille qui avait un peu dévié sur la ligne d’une trop rigoureuse justice