Page:Gozlan - Le Dragon rouge, 1859.djvu/264

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
261
le dragon rouge.

tard ; mais vous, monsieur le marquis, vous ne me dites pas ce qui vous est arrivé.

— La balle de mon adversaire a sillonné ma poitrine.

— Vous avez été blessé ?

— Fêlé peut-être, étant de porcelaine, comme vous savez.

— Il faut rentrer dans vos appartements, dit la marquise, anéantie par ces mille secousses, arrachée un instant, par un mensonge, à la plus cruelle des certitudes ; oui, vous allez vous retirer. On va courir chez votre médecin.

La marquise donna un ordre.

— Vous disiez que votre frère était en fuite, et vous savez sans doute où il est allé ?

— Non, dit le marquis, se souvenant à peine du mensonge qu’il venait de faire à sa femme, mais qui n’osait pas cependant se rétracter. Il eut assez de raison, quoique très-affaibli par les événements de la journée, pour comprendre qu’il devait corriger le plus possible la fausseté de ses paroles avant de les nier complétement.

— Il n’est pas mort, reprit-il, mais il doit passer quelque temps pour mort, afin d’échapper aux poursuites de la police. Ainsi, pour nous, il est mort.

— Oui, vous avez raison, monsieur le marquis. Mais, si on le poursuit, reprit à son tour la marquise, pourquoi seriez-vous plus que lui à l’abri des recherches, vous qui ne vous cachez pas ?

Le marquis ne sut que répondre.

Un instant le premier frisson ressenti par sa femme gela de nouveau le sang dans ses veines.

— Vous me questionnez beaucoup ; je suis si fatigué… si fatigué…

— C’est qu’il faudrait que vous vous cachassiez alors, redit la marquise impitoyablement. Je dois vous faire ces questions, m’inquiéter pour vous.

— Sans doute, sans doute, répliqua le marquis de Courtenay, sans avoir la plus faible conscience de ses réponses ; mais