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le dragon rouge.

— Il me ment ! oh ! il me ment ! pensa-t-elle. Que je sache au moins la vérité, monsieur le marquis ! Où est votre frère ? qu’est-il devenu ? que lui est-il arrivé ?

Quand elle adressa cette question au marquis, ils étaient parvenus au premier étage. À la porte de son appartement, le marquis, essoufflé de fatigue, s’assit sans mot dire sur la dernière marche, la tête pressée entre ses mains.

Ce silence signifie, pensa la marquise, que le commandeur est réellement en fuite. Le marquis voulait me cacher qu’il s’était réfugié au couvent de Saint-Maur : le lieu de sa retraite lui est échappé. Il est fâché de me l’avoir fait connaître ; il se repent de son indiscrétion, il a peur de la mienne.

— Allons, dit la marquise en le relevant, rassurez-vous ; j’ai tout deviné. Je sais tout.

— Puisque vous avez tout deviné, reprit le marquis en entrant dans sa chambre, la désolation sur tous les traits, pleurons ensemble la mort d’un frère si bon, si généreux, si noble. Oui, le commandeur de Courtenay est mort.

Maintenant j’en suis certaine, réfléchit la marquise : le commandeur, dont le marquis voulait me taire la retraite, est caché à Saint-Maur.

Le médecin, appelé, entrait dans l’appartement du marquis.

La marquise courut s’enfermer dans le sien, laissant la société du salon s’écouler peu à peu.

Il était près de minuit.

Rentrée chez elle, elle sonna et dit au domestique qui parut :

— Dites à Marine de venir ; je l’attends.

Non, je ne puis vivre ainsi jusqu’à demain, se dit-elle ; demain je serais folle. Il est blessé, il est caché ; le marquis ne m’a pas dit où il avait été blessé. Est-il vrai qu’il soit caché au couvent de Saint-Maur ? Que croire ? que faire ? Oh ! s’il avait été tué ! comme a fini par le dire le marquis. Tué ! ce n’est pas possible ! Pourquoi ne serait-ce pas possible ? Que d’obscurité dans ce que j’ai appris ! Cette obscurité me rassure ; mais je