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le dragon rouge.

— Mais elle a encore été au bal cette semaine, s’écria le comte : elle doit y aller demain !

— C’est que les jeunes filles dansent et qu’elles sont malades. La preuve, c’est que notre Casimire danse comme une Bohémienne, et qu’elle maigrit, je te le répète, comme un oiseau après la mue, et qu’elle jaunit comme une feuille de vigne un mois après les vendanges.

— Et quel est son mal, savant médecin ? demanda M. de Canilly.

— Son mal, c’est d’abord quinze ans ; son mal, c’est qu’elle est jolie à miracles ; son mal, c’est qu’elle ne sait pas son mal.

— Quel diable de propos me tiens-tu là ?

— J’ai eu quinze ans, monsieur le comte, reprit Marine, et quand je revenais du bal de Viroflay, où j’avais vu des vignerons d’une belle venue, des meuniers qui m’avaient dit des choses agréables en dansant, je me trouvais tout chose.

— Qu’est-ce que tu entends par tout chose ?

— Mais oui, tout chose ; je rêvassais encore du bal et des violons dans mon lit ; j’avais des épingles sous les talons, et il me semblait que j’allais cueillir de la blanche épine, le long du bois de Meudon, avec je ne sais plus qui ; mais j’étais tout heureuse et toute pantoise en me réveillant. Je faisais mal l’ouvrage ; j’arrosais à côté de la plante ; je mettais le foin dans le seau et je salais jusqu’à douze fois la soupe de mon père.

— Et qu’avais-tu, grosse folle ?

— J’avais le mal de notre Casimire.

— Mais, encore une fois, me diras-tu quel est ce mal ?

— Ne le sachant pas moi-même, je m’adressai à une de mes amies, à Rose, la batelière.

— Et qu’est-ce qu’elle te dit ?

— Elle me dit comme cela que cela prenait de la même manière à toutes les jeunes filles. J’étais sur le point d’avoir de l’amour pour quelqu’un. Le feu n’avait pas encore pris au bois sec, mais cela commençait à pétiller. C’est qu’elle ne se