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Page:Gozlan - Le Dragon rouge, 1859.djvu/92

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le dragon rouge.

— Vous n’en douterez pas, maintenant, dit la Carmélite qui se mit à rire.

Cet éclat de rire fit mal ; on sentait, au froid glacial de la confidence, que le roi n’avait presque plus besoin d’indications pour être de l’avis de mademoiselle de La Vallière sur la différence apportée par le temps aux charmes qu’il avait tant aimés et fait vanter par ses poëtes, ou plutôt qu’il n’avait vu qu’avec les yeux de son imagination.

— À ma pâleur près, continua la nonne, je vous apparais aujourd’hui comme j’étais il y a dix ans. Il n’y a que nos cœurs de changés, peut-être, ajouta-t-elle d’une voix étouffée.

— Nos cœurs changés ! s’écria le roi avec une chaleur trop exagérée pour être vraie, mais qui n’empêcha pas le repentie de dire à son tour :

— Je me souviens que vous aimiez en moi jusqu’aux nombreuses tâches de petite vérole semées sur mon visage.

— Vous, creusée de la petite vérole !

— Je n’aurais pas plus pu vous le cacher que d’autres défauts sur lesquels vous aviez l’indulgence de fermer les yeux. Ces tâches y sont encore ; du reste, voyez-les !

— J’ai aimé tout cela, semblait dire le roi par son silence. Cependant, reprenait-il avec la contrainte d’un amant descendu des hauteurs brûlantes de l’amour dans les plaines glacées de la politesse, cependant vous étiez la plus belle de ma cour, la plus gracieuse, oui, la plus gracieuse.

Pour tout réponse à cette dernière flatterie, la Carmélite se leva, prit le roi par le bras et lui fit faire quelques pas avec elle devant le bassin.

— N’est-ce pas que je ne boite pas davantage ? dit-elle, en s’asseyant, au roi qui resta debout devant elle, et muet de voir à quoi se réduisait l’idole de ses anciens jours.

— Non, vous ne boitez pas davantage, répéta machinalement le roi, à qui le cœur manqua pour dire : Vous n’avez jamais boité.