Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/137

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des planches et que nous les portons à quatre, comme un lustre.

— Des truites saumonées, indiqua Richomme dans son triste commentaire.

— Et enfin, continua Fournisseaux, ça n’a pas de fin ; ils ne cessent pas de banqueter. Viennent les liqueurs après le café ; les glaces après les liqueurs ; le thé par-dessus.

— Ruine ! ruine ! disait tout bas Richomme.

— Ensuite le punch !

— Ruine ! ruine ! ajoutait encore le vieux droguiste.

— Et encore si tous ces mangeurs nous faisaient rire pour notre argent ; mais ils n’ont pas l’air de se connaître. Dès qu’il n’y a plus rien au fond des bouteilles, ils prennent leurs chapeaux, et s’en vont sans même dire bonsoir à la compagnie.

— Je devine quelles sont les personnes invitées par mon gendre, pensa Richomme. As-tu quelquefois remarqué, Fournisseaux, le sujet de leur conversation ?

— Pas trop. Mais il est rare, qu’il ne soit pas un peu question entre eux des grands personnages de l’État. Il y a un petit monsieur qui a des lunettes d’or, bossu autant dire, qui dit toujours à votre gendre : Vous serez ceci, vous serez cela ; mettez-vous en avant, monsieur Fleuriot ; je vous réponds de l’affaire ; votre affaire est au sac.

— Mon gendre traite les électeurs de l’arrondissement, afin de s’assurer leurs voix. Ambition ! ambition ! voilà le fruit de plus de trente ans de veilles et de soucis. Je n’ose pas te demander ce que devient le commerce de la maison au milieu de ces festins.