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Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/15

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que belle. Elle ne recevait jamais ce vœu sans ouvrir et fermer ironiquement la bourse de satin blanc brodée à ses armes. Son aumône était comme un don qui n’attend aucun retour. Cette indifférence pour les souhaits dont on payait sa bienfaisance, semblait affecter d’une manière douloureuse la gouvernante et le jeune chapelain. Ils échangeaient un regard mélancolique.

Ordinairement, la promenade avait lieu le soir quand l’élite de nos élégants se rend au café de Paris pour abréger, en dînant, les heures qui séparent la clôture de la Bourse de l’ouverture de l’Opéra. Dès que la voiture blanche se montrait derrière les glaces du somptueux restaurant, les jeunes gens et les dames se levaient pour la voir et envoyer des baisers à la céleste miss, j’ai vu des Anglaises quitter la table, courir vers le landau, arrêté le long des arbres, et adresser des paroles affectueuses, en langue nationale, à l’enfant qui leur tendait ses petites mains. Les compatriotes de la gracieuse miss retournaient toujours à leur place les yeux gros de larmes. La voiture passait.

— Qu’a donc cette enfant, pour attirer tant de pitié ? me demandai-je sans oser questionner personne. Comment l’aurais-je osé, étranger, inconnu à tout le monde, et au fond redoutant d’apprendre le malheur qui avait frappé cette petite fille, en apparence, si aimée de Dieu et de la fortune ? Pendant deux mois, je me contentai de la suivre d’un regard de sollicitude et de l’entourer de mes vœux, quoique je ne devinasse pas quels vœux raisonnables il m’était permis de former pour elle, surtout, quand je voyais à deux pas d’autres enfants de son âge,