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UN PETIT MALHEUR.


I

Perdre un perroquet, une levrette blanche, voir mourir sur sa croisée une fleur longtemps arrosée, ce n’est qu’un petit malheur pour beaucoup de gens qui n’aiment ni les perroquets, ni les levrettes, ni les fleurs. Pourtant, ces petits malheurs-là causent des nuits de douleurs, des semaines de regrets, et tuent parfois ; on ne croit pas cela ; on ne croit qu’aux calamités magnifiques, aux infortunes superbes. Le cœur est classique en France. Si l’on s’interrogeait bien, on trouverait qu’on est dans l’erreur et qu’on ne veut s’attendrir en grand que pour avoir un prétexte de ne pas s’attendrir du tout ; que vous importe au fond, que la Chine s’abîme sous les eaux, ou que le Japon soit brûlé par un volcan ? vous ne donneriez pas votre parapluie pour empêcher ces deux catastrophes ; et si l’on vous vole votre parapluie, vous y penserez tout un jour. Il y a de petits malheurs ; il n’y a peut-être que de petits malheurs.

Il y a à Paris un désert, qu’on appelle une belle place,