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Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/173

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assure au contraire son chapeau sur l’oreille, arrange ses moustaches, les gomme du geste et rétablit par deux ou trois secousses militaires imprimées à ses reins la tension de son pantalon un peu dérangé par l’ascension des marches. Il y a aussi les visiteurs qui se penchent sur la rampe pour faire des ronds, non pas dans l’eau comme le grand flandrin de marquis dont parle Molière, mais dans le vide ; d’autres s’asseyent philosophiquement sur la dernière marche, et accroupis comme des sphinx égyptiens, prennent leur malheur au sérieux : ce sont les visiteurs lymphatiques ; d’autres, pour tromper la douleur de leur station, grimpent jusqu’à la moitié de l’étage supérieur et s’amusent, en attendant qu’on leur ouvre, à comparer, à mesurer, à apprécier les distributions locatives : ce sont les visiteurs propriétaires, classe curieuse, un peu fouine, rôdant et s’insinuant. Il y a encore des visiteurs qui, pour se dédommager de l’attente, détruisent tout autour d’eux, avec la pointe de leurs bottes ; ils écaillent le stuc, descellent les carreaux du pallier, frangent le bas de la porte ; n’oublions pas ceux qui, d’impatience, rongent l’olive ou le gland du cordon de la sonnette. En général, ceux-là sont des Marseillais ou des Bordelais. Le midi est comme Louis XIV, il n’attend pas.

Si vous les laissez sonner une troisième fois, ils renflent leurs narines, tendent leurs bras qui menacent la porte, ferment les poings et regardent le ciel. Ils méritent d’être observés par dessus tous les autres, à cause de l’extrême rapidité avec laquelle ils passent, si on vient à leur ouvrir, de la colère intense, du juron pourpré à la formule obséquieuse de l’homme honoré d’être reçu.