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Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/183

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le plaisir et tout ce qui ressemblait une cour, même celle de Napoléon.

Quoiqu’elle idolâtrât son fils, elle le prenait souvent par le menton après l’avoir tendrement embrassé, et elle lui disait : « Mon pauvre enfant, je t’ai fait beau, ton père t’a fait riche ; mais le diable ne te ferait pas gentilhomme. » Aussi, préférant la pureté de son rang à son amour pour son fils, elle ne songea jamais à le marier avec une personne de qualité. Ce serait gâter à la fois l’orange et le couteau, disait-elle. Pourquoi cela ? Ce sera un beau garçon, qu’il s’amuse ! Il est déjà riche, qu’il le soit davantage ; nous tâcherons de l’aider en cela. Elle disait à ses amis sous la restauration : Rendez-moi ce jeune homme-là millionnaire ; c’est tout ce que je demande. Les familiers du château le prenaient sous le bras dans les salons de sa mère et lui disaient quatre mots tout bas : ces quatre mots, quintessence précieuse des événements près de s’accomplir, signifiaient : ou révolution d’Italie, ou révolution d’Espagne, d’Amérique, ou insurrection grecque.

Le jeune Ervasy profitait de ces confidences. Il ne fut pas seulement un joueur, il devint un calculateur patient, pénétrant ; il montra du génie, comme en montrent tous ceux qui font jaillir l’argent du milieu d’une nation qui paraît épuisée, Newton et Keppler d’une science peut-être aussi difficile et aussi utile que l’astronomie : M. Ouvrard en fut le Napoléon.

Enfin il devint le caissier des princes et de quelques rois, et par conséquent leur maître ; car qui tient la bourse aujourd’hui tient le sceptre. Comme eux, il eut des courriers sur les routes de toutes les capitales, et en moins de quatre