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Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/189

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L’homme le plus irréprochable auquel une femme parle ainsi est renversé du coup. Comme il n’y a pas de passé parfaitement innocent, même pour les anges, il suppose tout de suite qu’on a découvert quelque tache sur une page de sa vie. À quarante-cinq ans on a beaucoup de pages. Ervasy, tout en cherchant mentalement à se fortifier sur tous les points, en prévision d’une attaque imminente, dit en souriant à Reine Linon : Et que vous a-t-on appris sur mon compte ?

— Vous osez me le demander ?

— Afin que nous le sachions tous les deux.

— Vous le savez bien, et c’est un tort. Tenez, c’est une infamie de me l’avoir caché !

— Une infamie… pour quelques intrigues perdues, oubliées.

— Des intrigues ?

— On ne peut guère appeler cela des passions. On vous a peut être cité ma vieille faiblesse pour mademoiselle Andorani, la danseuse, quand j’étais caissier chez les frères Maurienne.

— Il ne s’agit pas d’une danseuse, dit Reine, en frappant sur la table avec le doigt armé du dé.

— Quant à madame Thorin, je ne l’ai jamais vue que chez sa tante ; c’est peut-être de madame Thorin que tu veux parler ?

— Ni de celle-là, ni des autres, ni de la fée Caboche. À votre âge, on ne m’a pas attendue, reprit Reine, je le sais fort bien, sans que vous me dressiez l’inventaire de vos Vénus.

Pour avoir trop bravé d’abord les mauvaises disposi-