Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/19

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Le chapelain poursuivit :

— La famille de lady Katty descend des anciens rois d’Irlande, cette île généreuse et fière, soumise, jamais esclave ; pardonnez, monsieur, mais je suis né en Irlande. En perdant sa souveraineté de fait, cette famille en soutint l’éclat sous le titre moins fastueux, mais aussi pur, de lord Brady, nom qu’elle porte aujourd’hui. Rassurez-vous, je n’ai pas à vous dérouler des événements de famille bien extraordinaires. Fils aîné de la branche principale, des Brady, le père de lady Katty, lequel n’était, il y a seize ans, quand il en avait vingt, qu’un jeune homme destiné à prendre place, par son catholicisme ardent, parmi les défenseurs de notre émancipation sans cesse ajournée, se rendit au désir de sa famille en épousant miss Hanna O’Briant, issue également d’une des plus hautes maisons d’Irlande. Miss Hanna était d’une beauté remarquable et d’un caractère bienveillant ; mais, purement fondée sur des raisons de convenances, son union avec lord Brady revêtit aux yeux des étrangers un aspect de réserve qui passa pour de la froideur, pour incompatibilité de goûts. Pénétrés eux-mêmes du danger toujours croissant d’une situation ouverte à tous les traits des interprétations, les nouveaux mariés se retirèrent du monde pour aller vivre dans un de leurs châteaux au bord de la mer. Des courses à cheval, sur les grèves, des parties de chasse avec ses vassaux, des entretiens graves avec le pasteur de l’endroit sur l’état malheureux de la population irlandaise : tels devinrent les travaux et les délassements d’esprit de lord Brady au fond de ses terres.

Un événement vint colorer cette vie heureuse, mais un