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Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/192

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ces tigres-là ? Ces tigres sont charmants ; ces tigres-là ont parfois, ont presque toujours des compensations inimaginables ; ces tigres ont dix-huit ans, la peau douce, la vivacité du salpêtre, et il arrive souvent qu’on en est aimé.

Ervasy retira son habit pour le secouer ; il crut un instant avoir trouvé un prétexte pour rester un quart d’heure de plus dans l’appartement de la grisette.

— Maintenant que vous voilà presque sec, reprit-elle en lui ouvrant la porte, suivez la rampe jusqu’à la boule, et là, demandez le cordon. Bonne nuit.

— Décidément je ne partirai pas ainsi sans connaître le motif de cette réception, s’écria Ervasy, le corps à moitié dans la chambre, à moitié sur l’escalier. Il faisait enfin de l’énergie.

— Puisqu’il en est ainsi, répliqua Reine, restez ici ; moi j’irai coucher chez une amie. Je ne veux pas de scène.

Elle entre comme un éclair, dénoue son bonnet de nuit, passe, croise en un clin d’œil une robe lâche, une sorte de peignoir, fourre sa tête sous un petit chapeau, et se dispose à sortir.

Ervasy s’était assis dans le fauteuil et semblait disposé à continuer le rôle de résistance qu’il avait pris.

— Tenez ! dit-elle en mettant son passe-partout sous le nez, d’Ervasy, vous jouez là une comédie qui n’est plus de votre âge. À vingt ans, cela est pardonnable. Papa, ajouta-t-elle, en aiguisant ses paroles d’un terrible filet d’ironie, Dieu vous envoie un bon sommeil !

En voulant écarter la clef, que Reine n’avait cessé de tenir en garde, Ervasy lui toucha involontairement le visage.