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Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/277

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s’éleva et se prolongea d’abord en rayon harmonieux d’un bout du pélerinage à l’autre bout. Ce premier élan d’enthousiasme qu’ont toujours les masses, soit qu’elles prient ou qu’elles blasphèment, étant passé, la prière dégénéra en conversation, la conversation en plaisanteries, en sorte que la tête de la procession priait, tandis que le milieu et la fin riaient.

Le soir, on ne vit plus Rome, et le lendemain on entra dans les Apennins, tout ondoyants de châtaigniers à leur base, de mélèzes, sur leurs versants, et de lauriers sur leurs sommets, comme un casque. C’eût été un beau spectacle de suivre du regard, et du haut d’une crête, dans le fond de la vallée, cette ondulation d’hommes, de femmes, de chariots, cette couleuvre aux mille anneaux paresseux, qui glisse sur un sol verdoyant, disparaît au détour d’une montagne pour luire plus loin, pour s’arrondir en boule au bord de chaque fleuve qui l’arrête.

Les fleuves ne les arrêtent pas longtemps. Des bateaux sont lancés au-devant des pèlerins dès qu’on les aperçoit de l’autre bord.

Ils traversent ainsi tous les États du duc d’Urbin, rencontrant parfois sur la route des groupes poudreux de marchands d’Ancône et de la Dalmatie qui s’acheminent à pied vers la foire de Sinigaglia, et qui s’arrêtent pour s’agenouiller devant la pieuse ambassade. Elle leur jette une bénédiction en passant, puis on se quitte ; les marchands se moquant des bénédictions, les prêtres de la crédulité des marchands.

Et quand ils approchent des villes du riche duché de Ferrare, les cloches en vermeil sonnent ; sur leur chemin des