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Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/283

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Et ils imitaient en pleurant les longs hurlements des chiens ; c’était triste et bouffon.

D’autres reprenaient, toujours en lançant des regards de douleur vers la ville qui s’abîmait dans la fumée :

— Avec le pauvre cuivre que nous avions gagné en laissant nos ongles dans le bois, nous devions fournir la table du seigneur de poissons, d’œufs et de miel.

Le jeune comte leva ses yeux bleus vers le ciel.

— C’est parce que, le miel ayant manqué cette année, nous n’en avons pas acquitté la contribution voulue, que les lansquenets attachés à la maison du seigneur nous ont d’abord menacés de nous battre, ce qu’ils ont fait ; puis d’incendier notre ville, et ils ont tenu parole. Voyez.

Une femme dont la peur avait hâté le terme de l’enfantement se tordait sur un brancard à peine couvert par un peu de paille. Elle était violette de douleur et de froid.

Ulrich jeta son riche manteau sur elle.

Et la ville brûlait toujours.

— Et que ferez-vous ailleurs ? demandait le jeune comte aux plus capables de l’entendre.

— Nous travaillerons pour qui voudra, nous nous vendrons à qui nous voudra. Voici nos bras et nos instruments.

Ils emportaient en effet avec eux leurs faux, leurs bêches, leurs charrues, leurs couteaux ; malheureux outils qui ne leur avaient pas assuré l’existence.

— Mais où allez-vous donc ?

— Partout où ne sera pas l’Allemagne.

— Où vous arrêterez-vous, enfin ?

— En Suisse ! en Suisse ! — Et les vieillards, comme