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Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/340

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— Donc, le fer c’est de l’argent, puisqu’il le procure en déchirant la chair, en brisant les os de mes frères pauvres.

Et, satisfaits de ces allusions qui flattaient leurs mécontentements, les mineurs, se soudant par les doigts comme les anneaux d’une chaîne, arquant en pinces leurs jambes velues, bombant leurs poitrines écaillées comme le corselet du crocodile, balançant leurs têtes d’ours, joyeux et sombres, ivres de l’ivresse du cœur, et non de celle du vin, pied contre pied, tous montrant leur râtelier, plus blanc de leurs lèvres relevées et tordues par l’ironie sur leur visage bistre, s’animant parce qu’ils se touchaient par les nerfs, par la chair, par les muscles, par les regards, par la sueur, par l’haleine, par la pensée ; tous en ébullition sous ce couvercle de terre, dans ce fourneau de fer, couverts de poussière, ils partirent, ils coururent, ils tournèrent, ils s’inclinèrent l’un sur l’autre, en criant : Du fer ! en chantant : Du fer ! du fer ! du fer ! Ces flambeaux échevelés, comètes qui semblaient vouloir sortir de la terre, la percer et courir dans l’espace ; cette vague noire et hurlante sur laquelle les flambeaux passaient et disparaissaient ; cet homme seul et debout qui les dominait : on eût dit une roue vivante dont le pivot était un magicien.

La roue s’arrêta.

— À cette place, reprit l’homme à la baguette de noisetier, il y a de l’or, un morceau d’or. Cherchez.

Courbés sur leurs pioches, les mineurs se remirent à l’œuvre avec une espèce d’acharnement et une rage qui ne semblait plus jouée.

Ils tirèrent du trou le sac qu’ils y avaient déposé.