Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/343

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épée dans le corps de Boccold, mais Ulrich, pour qui cet acte semblait moins un affront qu’une déférence, tant Boccold était respectueux en l’accomplissant au milieu de l’attente religieuse de ses compagnons, baisa le soulier et répéta avec l’obscurité d’un néophyte : Le pauvre homme ne peut plus être guéri dans ce monde.

Si la mine, toute rouge et toute noire, eût craqué et se fût ouverte tout à coup comme une grenade au milieu d’une ville assiégée, elle n’eût pas retenti si bruyamment des cris d’enthousiasme et d’élévation, d’amour et de rage, en ce moment où Ulrich signa de ses lèvres un pacte avec le soulier.

Il fallut céder, on le prit, on l’enleva, on l’exhaussa sur un pavois formé de toutes les bêches réunies, on le promena à la lueur des flambeaux autour de la mine qui s’exfoliait sous l’effort des accents sauvages des mineurs. Lui et Boccold étaient les héros de la fête.

L’ivresse avait duré jusqu’au jour, ce qu’Ulrich ne sut qu’au sortir de la mine. Un air rose et froid courait sur les rochers saupoudrés de neige. Le jeune fils du graf crut s’éveiller d’un long rêve. Il poursuivit sa route, et pensa.


V.

— Foi de Müller ! il faudra bien que saint Dominique nous rende par les manches ou par le capuchon l’argent qu’il nous a volé ; oui, volé disait un moine du couvent