Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/349

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bourets de cuir d’où s’échappent des flocons de crin, arrachés brin à brin par la méditation ; contre le mur une autre table sur laquelle est posée une tête de mort au pied d’un crucifix. Entre ses branches, le crucifix laisse voir une discipline en fil d’archal.

Comme l’appartement était sans feu, un froid glacial tombait du plafond et suintait par les murs.

— Vous avez vu mes parents, m’a-t-on dit ?

— Hier, mon père, dans la mine du nord.

— Je suis heureux de vous écouter, si vous avez à m’annoncer de leurs nouvelles.

— Ils se portent bien.

— Pauvres gens ! tant mieux ! Bien vieux ! bien cassés, n’est-ce pas ? Mes éternelles occupations m’empêchent d’aller les visiter. Mais ils le savent ; ils ne m’en veulent pas, j’en suis sûr.

— Au contraire, ils m’ont parlé de votre affection pour eux ; vos compagnons… excusez… les gens de la mine, je veux dire…

— Dites mes compagnons. Pourquoi en rougirais-je ? j’ai vécu, dormi avec eux. Ils savent mon nom ; et le petit Martin Luther sait le leur à tous. Walther le Scorpion. Kunz l’Abîme, Andréas le Sorcier, le Vunschelrouthe, Boccold. Tout petit j’ai remué le charbon, fendu la pierre, porté le minerai. Dieu m’a appelé à la surface ; pourtant nos cœurs s’entendent toujours ; un cri d’eux, et je descends, je suis là ! Quand ils souffrent, je m’assieds dans le panier et vais les consoler. Ma parole rude leur plaît. Je les éveille, les ranime ; nous chantons ensemble dans le nid des ténèbres. Ils sont bien malheureux, n’est-ce pas ? Pardonnez, c’est