Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/354

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reconnaître en nous trois officiers du palais chargés d’exécuter l’interdit contre les poulardes. Sauvez-moi ! par grâce, sauvez-moi !

Il se précipita à nos genoux.

— Vous n’avez rien à craindre, lui dit l’abbé, puisque nous venions exprès pour vous dire que la sainte hostie avait été rapportée, dans son immaculée blancheur, par une colombe au cardinal Colonna.

Le rôtisseur respira. Il sauta à notre cou, et, malgré notre résistance, il nous força à manger une des trois poulardes, qu’avait frisées de si près l’anathème. Carlostadt eut une indigestion.

Le front d’Ulrich ne se dérida pas une seule fois à cette anecdote du moine, qui, décidément, passa, dans l’esprit du jeune seigneur, pour n’être pas celui dont le sermon avait été si chaleureux contre Rome. Il se crut joué. Il se levait pour sortir, fatigué de ne recueillir pour toute réponse à sa bouillante indignation que les plaisanteries grossières d’un moine goulu et facétieux, lorsqu’il se souvint de la commission des mineurs. Il voulut s’en acquitter et partir.

— Votre père et votre mère, docteur, lui dit-il sèchement, m’ont chargé de vous remettre ce petit paquet, vous priant d’en consacrer le contenu à leur acheter des indulgences.

Ulrich s’aperçut du frémissement, nerveux qui agita le moine en recevant le paquet. Le docteur se mit à parcourir la salle à grands pas, en proie aux plus sourdes agitations ; l’ombre des longues manches de sa robe courait sur le mur comme des ailes de chauve-souris. Il s’arrêtait