Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/369

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difficulté d’artiste. Je vous tiens pour un habile homme, seigneur Vénitien.

— Étranger ! étranger ! on a pendu à Viterbe, l’an passé, un contrefacteur d’indulgences.

— Raison de plus pour les bien contrefaire, Vénitien.

— Ce que vous dites me paraît sensé.

— Sensé comme l’Évangile. D’ailleurs, si vous avez canoniquement le droit, et je crois l’avoir prouvé, de trafiquer de plus d’indulgences qu’il ne vous en a été confié en commandite, supposez que vous en vendiez cent de plus.

— Bien !

— Il vous sera loisible d’en vendre deux cents, trois cents, dix mille de plus ; qui peut le moins peut le plus en religion : c’est admis. Vous l’admettez.

— D’accord !

— Vous pouvez donc en vendre indéfiniment. Par exemple, acheter légitimement le salut d’une âme au pape, et en céder ensuite tant qu’il vous plaira. Suivez-moi.

— Mais vous n’êtes pas si rustre que je l’aurais cru, pour un homme né de l’autre côté du Rhin.

— C’est l’effet de la bière. Buvons.

— Buvons ! seigneur étranger.

— Et je trouve mieux, seigneur Zodiaco !

— Mieux ?

— Oui, mieux. Il vous est licite de ne pas en acheter du tout. — Car, s’il y a crime pardonné d’avance à ajouter mille indulgences illégitimes à une indulgence légitime, où est la nécessité de se munir de cette indulgence ? Pour celle-là comme pour les autres, achetez préalablement votre pardon de faussaire.