Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/37

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doute en échange d’une affreuse certitude en la quittant ; une espérance pour un désespoir ? Si, au lieu d’avoir vu mourir Nelly et Glorvina sous notre souffle, nous les eussions laissées dans quelque pays, lointain, sous la protection d’un parent, dans quelque pays sans communication pendant dix ans avec le nôtre, par suite de la guerre, penserions-nous aujourd’hui qu’elles sont mortes ? Non.

— Non ! milord, répondit, noyée de larmes, l’attentive et désespérée Hanna.

— Toutes deux, milady, existeraient pour nous. Qu’au lieu de la guerre ou de toute autre cause, ce soit l’exil qui nous éloigne de Katty, et Katty vivra pour nous dix ans, vingt ans, toujours, jusqu’à la fin de notre vie. Allons, du courage, milady ! du courage, Hanna !

Lord Brady tremblait autant que sa femme ; appuyé sur son épaule, il ajouta :

— Après l’hommage que vous allez faire à Dieu de notre enfant, après qu’elle aura pris le signe qui la rendra esclave de vos vœux, nous partirons l’un et l’autre. La moitié de notre fortune sera mise à la disposition d’une personne probe qui en rendra compte à l’enfant à l’époque de sa majorité ; qui n’en rendra compte à personne, si, comme tout nous impose la triste obligation de le croire, Katty n’atteint pas cette époque de salut.

— Milord ! Dieu m’est témoin que je désapprouve votre résolution ; vos raisons m’ont brisée, mais elles ne m’ont pas convaincue que je dusse abandonner ma fille. Vous êtes mon seigneur et maître. Faites parler vos droits et j’y obéirai ; J’ai besoin, milord, que vous me disiez votre volonté à haute voix, pour que jamais ma conscience ne